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Petit-fils de Trotsky : Esteban Sieva Volkov
- n° 1887
- Date : 31 août 2008

Esteban Sieva Volkov, petit-fils de Léon Trotsky, est né à Yalta en 1926. Son père est déporté et assassiné par Staline. Sa mère, Zina, fille aînée de Trotsky, peut partir à Prinkipo, puis à Berlin où elle se suicide. Après la mort de son oncle, Léon Sedov, à Paris en 1938, il rejoint alors son grand-père au Mexique. Il sera témoin des dernières années de Trotsky. Il vient de participer à notre université d’été.


Tu as été le témoin direct des deux dernières années de Léon Trotsky à Mexico...

Esteban Sieva Volkov – J’ai vécu le premier attentat, l’atmosphère de siège dans la maison, la calomnie de Trotsky par la presse stalinienne du Mexique... Le 24 mai, un groupe de terroristes est entré dans la maison. On sut ensuite qu’il s’agissait du peintre stalinien mexicain Siqueiros et de 25 autres, parmi lesquels des anciens des Brigades internationales. Natalia a sauvé Trotsky en le poussant dans un coin de la pièce où ils se trouvaient. Quant à moi, une balle m’a atteint au pied. Après cela, des camarades du SWP des Etats-Unis ont fortifié la maison, mais Trotsky ne pensait pas que ce serait d’une grande utilité.

Après l’échec de ce premier attentat mexicain, Staline a mis à contribution ses agents infiltrés dans les cercles proches de l’appareil de la IVe Internationale. L’histoire est connue : Mercader avait séduit une jeune Américaine du mouvement, Sylvia Ageloff. Venu avec elle à Mexico, il se lia d’amitié avec les gardes-secrétaires, sans jamais montrer d’intérêt pour Trotsky. Une manière habile d’écarter tout soupçon. Il rendait service. Pour s’approcher de Trotsky, le prétexte fut la polémique sur la défense de l’Urss, surgie du parti américain. La majorité pensait que, malgré la dégénérescence bureaucratique du pays, il fallait défendre ce qui demeurait de la révolution (l’économie planifiée, la collectivisation des moyens de production...) ; la minorité pensait que l’Urss n’avait rien conservé et qu’il fallait la combattre totalement. Mercader, connu de nous sous les fausses identités de Mornard ou Jacson, s’intéressa soudainement à cette polémique, prit position en faveur de la position majoritaire de Trotsky et prétendit lui soumettre un petit article sur le sujet. Trotsky tomba dans le piège.

Mercader vint un après-midi et eut accès au bureau de Trotsky, qui corrigea l’article. Il revint un autre jour, vers 16 heures, un imperméable sur le bras, alors qu’il n’y avait pas de nuages. Natalia lui fit remarquer sa mauvaise mine. Trotsky, qui donnait à manger à ses lapins, s’interrompit et entra dans la maison avec lui. Quelques minutes après, retentit un cri terrible. Les gardes se précipitèrent et trouvèrent Trotsky en sang. Il semble que Mercader voulait porter un second coup, mais qu’il ne put y parvenir, paralysé par l’impressionnante résistance de Trotsky. Les gardes maîtrisèrent Mercader, lequel parla peu, se contenant de dire : "Ils m’ont obligé à le faire, ils tiennent ma mère."
De retour de l’école peu après, j’ai vu Mercader soutenu par deux policiers, pleurant sans aucune dignité. Ce souvenir est resté gravé en moi, à l’opposé de la force des trotskystes qui tombaient, eux, sous les balles des staliniens en chantant et en criant : "Vive Lénine, vive Trotsky !" Trotsky, couvert de sang, était allongé sur le sol. M’apercevant, il indiqua : "Eloignez Sieva, il ne doit pas voir." A l’hôpital, il dit encore : "Cette fois, je crois que c’est la fin." Il parvint à dire au revoir à Natalia, à l’embrasser, à lui exprimer son profond amour. Il faisait preuve d’une sérénité et d’un calme total. Trotsky n’était pas un révolutionnaire fait pour mourir de vieillesse. Comme il l’avait exprimé à plusieurs occasions : "Mourir n’est pas un problème quand on a achevé sa tâche." Il a su diriger une révolution, l’organiser, la mener à terme et, finalement, la défendre au prix de sa propre vie. Ses analyses nous permettent de comprendre tout un processus historique. Elles ne nous laissent aucun doute sur le fait que la bureaucratie totalitaire n’a rien à voir avec le socialisme.

Tu as continué à vivre au Mexique, avec ce souvenir ?

E. S. Volkov – J’ai vécu ensuite avec cette grande absence. J’ai conservé l’image d’une personne chaleureuse, affectueuse, solidaire des camarades, très dynamique. J’ai aussi le souvenir d’une pensée claire, d’un organisateur, d’une grande clairvoyance dans l’analyse et d’un remarquable sens de l’humour.

Je suis resté au Mexique, même après le départ de Natalia pour la France, en 1960. Elle voulait revoir son amie Marguerite Bonnet et la veuve de son fils, Léon Sedov. Elle est ensuite décédée à Paris. Je participe au comité de direction du musée de la maison Léon Trotsky, à Coyoacan. Je reste le dernier témoin vivant des derniers moments de la vie de Lev Davidovitch.

Quels sont, selon toi, les principaux enseignements de la pensée de Trotsky ?

E. S. Volkov – Ses analyses politiques sont d’une actualité extraordinaire. Elles sont notre lien au passé. Elles manifestent un sens des prédictions étonnant, notamment à propos des Etats ouvriers dégénérés. En particulier lorsqu’il est affirmé que, si la classe ouvrière ne reprend pas le pouvoir à la bureaucratie stalinienne, le régime finira par détruire l’Union soviétique et restaurera le capitalisme. Cela permet de comprendre le cours actuel des événements. Peut-être les choses sont-elles même pires que Trotsky avait pu les imaginer...

Et s’il fallait transmettre une image essentielle de Trotsky ?

E. S. Volkov – On pourrait sans doute retenir ce qu’il écrit dans son testament, peu avant sa mort : "Pendant 43 années de ma vie consciente, je suis resté un révolutionnaire ; pendant 42 de ces années, j’ai lutté sous la bannière du marxisme. Si j’avais tout à recommencer, j’essaierais certes d’éviter telle ou telle erreur, mais le cours général de ma vie resterait inchangé... Natalia vient juste de venir à la fenêtre de la cour et de l’ouvrir plus largement pour que l’air puisse entrer plus librement dans ma chambre. Je peux voir la large bande d’herbe verte le long du mur et le ciel clair au-dessus, et la lumière du soleil sur le tout. La vie est belle. Que les générations futures la nettoient de tout mal, de toute oppression et de toute violence, et en jouissent pleinement."

Propos recueillis par Alain Mathieu


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